JURIS’Post-it N°11 , relevé de la jurisprudence !

Bail commercial et indemnité d’éviction

Le bail commercial peut encadrer la détermination de l’indemnité d’éviction à condition de ne pas la limiter et ne pas en forfaitiser le calcul.

Contexte

Un bail commercial stipulait une clause selon laquelle l’indemnité d’éviction due au preneur serait, le cas échéant, calculée en fonction des « caractéristiques d’exploitation du sous-locataire et devrait être d’un montant suffisant pour lui permettre d’indemniser le sous-locataire du préjudice subi par ce dernier en raison du non renouvellement du bail. »

Décision La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel en énonçant que cette clause, ne privant pas le preneur de l’indemnisation de son préjudice et ne limitant pas le calcul de l’indemnité d’éviction par la méthode du forfait, pouvait valablement servir de base au calcul de l’indemnité d’éviction.

CASS. CIVILE 3EME, 18 JANVIER 2023, N° 21-22.209

La Cour de cassation pose un arrêt de principe et permet au preneur envisageant une sous-location de se protéger en cas d’éviction.

 

Impôt foncier et minoration de la valeur locative

L’impôt foncier reste une charge exorbitante facteur de minoration de la valeur locative quand bien-même l’unanimité des baux voisins et termes de comparaison en pratiquent la refacturation au preneur.

Contexte

Un bail refacturait l’impôt foncier au preneur ; or, l’entièreté du voisinage et des termes de comparaison utilisés à l’appui de la détermination de la valeur locative contenait également cette refacturation.

Décision

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article R.145-8 du Code de commerce énonçant que « les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative ».

CASS. CIVILE 3EME, 25 JANVIER 2023, N°21-21.943

Rappel clair de la définition d’une clause exorbitante sans contrepartie.

 

 

JURIS’Post-it N°9 , relevé de la jurisprudence !

Indemnité d’éviction et dépollution

La mise en sécurité et la remise en état d’un site classé ICPE étant une obligation légale de son dernier exploitant, ce dernier ne peut en être indemnisé des frais au titre du paiement de l’indemnité d’éviction.

Enjeu

L’éviction du dernier exploitant d’une ICPE mise à l’arrêt définitif entraîne pour ce dernier l’exercice de son obligation de dépollution (mise en sécurité et remise en état) du site.​

Cette obligation légale, dont le fait déclencheur est l’éviction, doit-elle voir ses coûts indemnisés à titre d’indemnité accessoire ?

Décision

La Cour de cassation énonce que l’intention du propriétaire d’évincer le dernier exploitant d’un ICPE est sans incidence sur son obligation de dépollution, légale (articles L.512-6-1, R.512-39-1 et suivants du Code de l’environnement). Par conséquent, les frais engagés à ce titre ne peuvent intégrer le calcul de l’indemnité d’éviction. Précédemment, la Cour a pu en effet rappeler que l’objectif de cette obligation de dépollution est la protection générale de l’environnement et non la protection des intérêts du propriétaire justifiant sa prise en charge par le dernier exploitant du site.

Cass. Civile 3Ème, 12 octobre 2022 n° 21-20.970

Une jurisprudence confirmée : 

Cass.Cvile 3ème, 22 juin 2022 n° 20-20.844

Cass.Civile 3ème, 11 mai 2022, n°0 21-16.348

Téléchargeable ici

Transfert ou perte du fonds de commerce, les critères d’appréciation

En cas d’éviction, deux situations peuvent se produire, à savoir :

1. L’éviction peut entraîner la perte du fonds, c’est-à-dire la perte de clientèle. Il s’agira d’une indemnité de remplacement.

2. L’éviction peut ne pas entraîner la perte du fonds, la clientèle suivant l’activité indifféremment de son lieu d’exploitation. Il s’agira alors d’une indemnité de transfert.

 Nous proposons une liste non exhaustive et nécessairement variable en fonction de l’emplacement, de l’activité ainsi que de la nature des locaux exploités. Un argument pris isolément ne justifie que très rarement l’une ou l’autre des deux hypothèses, la singularité de chaque dossier se doit donc d’être étudiée.

Imbroglio sur le bail commercial portant sur un bien privé d’une personne publique

Le temps du bail commercial sur les biens privés d’une personne publique est-il compté ?

Maître Paul-Maxence MURGUE-VAROCLIER, Docteur en droit public vient nous éclairer dans la revue JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – EDITIONS ADMINISTRATIONS ET COLLECTIVITES TERRITORIALES N°42 du 14 octobre 2021, « Avis de tempête pour les baux commerciaux conclu sur le domaine privé ».

Il semble en effet que par suite d’une décision du TJ du Mans, en date du 19 août 2021, n°20/00813, l’application du statut des baux commerciaux ne soit pas compatible avec la directive dite « Services » 2006/123/CE et son article 12-2 qui fixe l’impossibilité de prévoir un renouvellement automatique et d’octroyer tout autre avantage en faveur de celui pour qui l’autorisation vient d’expirer.

Le jugement, inédit, écarte sur ce fondement de l’article 12-2 le droit au renouvellement et au versement d’une indemnité d’éviction à des commerçants installés sur le domaine privé de l’Etat.

Les conséquences de ce jugement inédit peuvent être redoutables et une lecture attentive de l’article est conseillée.

En attendant la suite de l’instance et l’avis de la doctrine avisée des spécialistes du bail commercial, prudence et réserves sont de rigueur sur les expertises visant l’estimation de la valeur locative en renouvellement ou l’indemnité d’éviction de conventions portant sur le domaine privé d’une personne publique.

Doit-on intégrer la part du e-commerce dans la valorisation d’un fonds boutique ?

D’après la Fédération de E-commerce et de la Vente à Distance (FEVAD), les ventes internet des commerces physiques ont progressé 2 fois plus rapidement que la moyenne du marché, et 3 fois plus vite que celle des sites pure-players. Qu’en est-il alors de la valorisation des fonds de commerce qui leur sont associés ?

Quelques données d’abord :

  • Le secteur du e-commerce (produits et services) a atteint près de 30 milliards d’euros au 1ertrimestre 2021, en hausse de 14,8% sur un an.
  • La diversité de l’offre continue de croître avec un nombre de sites marchands en hausse de 12% par rapport à l’an dernier.
  • 499 millions de transactions ont été recensées, soit une hausse annuelle de 17,8%.

La vente de produits sur internet a joué un rôle d’amortisseur économique pour les commerces physiques et les TPE et PME :

  • Suite aux nouvelles mesures de restrictions mises en place à partir de février, les ventes en ligne des enseignes ont à nouveau enregistré de fortes hausses, avec un pic de ventes en avril de +28% vs avril 2020 et +163% vs avril 2019.
  • Sur les 12 derniers mois, les ventes internet des commerces physiques ont progressé plus rapidement que la moyenne du marché et que celle des sites pure-players.
  • Les places de marché ont continué à fournir un débouché complémentaire pour de nombreuses TPE/PME et limiter ainsi le recul de leurs ventes.

Quel(s) impact(s) ensuite sur la valorisation :

La question est d’appréhender la part du chiffre d’affaires réalisée en boutique, qui sert de base au calcul de la valeur du fonds.

Très concrètement et dans le cadre d’une indemnité d’éviction, doit-on intégrer le chiffre d’affaires e-commerce dans le calcul de la valeur d’un fonds quand celui-ci est majoritaire ?

À notre sens, faire dépendre le bailleur des choix stratégiques du preneur demeure controversé et contraire au principe de non-association (bailleur / preneur).

L’essor des DNVB (Digital Native Vertical Brand) en est le parfait exemple. Aujourd’hui, les consommateurs comparent, s’informent, achètent leurs produits en ligne. Certaines marques ont donc opté pour le 100 % digitalisé à leur création et se sont ensuite orienté vers un magasin physique dans la suite logique du développement de l’entreprise.

Quid de la valeur du fonds e-commerce ?

Un commerce en ligne peut revêtir la qualification de fonds de commerce, nonobstant l’absence de local commercial et de droit au bail.

En conséquence, le lieu d’implantation physique du cyber-marchand n’a pratiquement aucun impact pour le succès de son activité.

Partant de ce postulat et en matière d’éviction, seul le chiffre d’affaires caisse devrait être retenu pour valoriser la valeur d’un fonds de commerce boutique. En outre, l’hypothèse dans laquelle le chiffre d’affaires e-commerce se trouverait supérieur au chiffre d’affaires caisse pourrait constituer un argument complémentaire justifiant un transfert d’activité (et non une perte du fonds).

Cette interprétation n’élude pas la possibilité de reconnaître et de valoriser « un second fonds » dit « fonds e-commerce » qui se voudra alors, nécessairement déconnecté de la boutique physique, le bailleur n’étant pas tenu des choix stratégiques du preneur.

In fine, c’est encore avant tout la qualité de l’outil d’exploitation visé par l’éviction qui doit dicter la valorisation d’un fonds de commerce et non le modèle économique d’une entreprise.

On retrouve ainsi la notion de « préjudice causé par le défaut de renouvellement », fondement de l’indemnité d’éviction.

Juris’ Post-it n°1 : clause d’exclusivité – éviction et double loyer

Juris-Post’it : relevé de la jurisprudence des baux commerciaux !

 

CLAUSE D’EXCLUSIVITÉ

La clause de destination d’exclusivité couvrant la vente de produits pharmaceutiques couvre également la vente de produits de parapharmacie.

Contexte

Dans un centre commercial, un bail commercial stipulait une clause d’exclusivité suivant laquelle le preneur bénéficiait de l’exclusivité de la vente de produits pharmaceutiques.

Décision

La Cour de cassation considère que cette clause couvre également la vente de produits de parapharmacie qu’elle considère comme une activité incluse. Ainsi le bailleur ne peut-il conclure de nouveaux baux au profit d’un tiers dans le même centre pour les mêmes activités.

CASS. CIVILE 3EME, 28 JANVIER 2021, N° 19-18.233

Les procédures de déspécialisation n’entrent a priori pas dans le champ d’application de cette décision.

 

INDEMNITÉ D’ÉVICTION ET DOUBLE LOYER

Le preneur qui, évincé, ne démontre pas qu’il a supporté un double loyer n’est pas indemnisé au titre de l’indemnité accessoire.

Contexte

Dans un contexte d’éviction, un preneur à bail commercial s’est réinstallé dans d’autres locaux. Il a déménagé dans le premier mois du nouveau bail pour lequel il a bénéficié d’un mois de franchise.

Décision
La Cour d’appel confirme le jugement du tribunal et estime que le preneur, n’ayant pu fournir de preuve qu’il a supporté un double loyer, ne peut être indemnisé au titre du double loyer lié au transfert de son fonds.

CA VERSAILLES 16 MAI 2017, N°16/00386

La Cour d’appel semble poser un arrêt de principe, indépendant de l’espèce en cause (mois de franchise accordé par le nouveau
bailleur).

 

 

Valeur de fonds de commerce : niveaux des transactions et évictions

À l’instar de la reprise de l’activité touristique, l’année 2022 a démontré une belle reprise d’activité en ce qui concerne les cessions de fonds de commerce. 

En 2022, il a été enregistré un volume d’environ 31 700 cessions représentant à la fois une hausse de 14,3% sur un an et un pic depuis 5 ans. 

S’agissant du niveau moyen, il s’est renchéri de 7,5% pour atteindre 215 000 €. Les activités les plus représentées concernent notamment la restauration (traditionnelle et rapide) avec environ 25% des transactions. 

Ce volume de transactions s’explique en partie par la reprise d’activité de manière générale (dépense des ménages, tourisme…), conjuguée aux mesures fiscales de la loi de finances de 2022. 

En effet, la Loi de finances 2022 a instauré dans son article 23 (LOI n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 art. 23) la possibilité pour les entreprises, à titre temporaire, de déduire de leur résultat imposable l’amortissement constaté en comptabilité au titre des fonds commerciaux (composante du fonds de commerce) acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.  

En dehors de cette période, le principe de non-déductibilité de l’amortissement du fonds commercial est inscrit dans la loi. Les entreprises qui peuvent en bénéficier ne doivent pas dépasser deux des trois seuils suivants :  

  • Un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 12 M€,  
  • Un total du bilan inférieur ou égal à 6 M€, 
  • Un nombre moyen qui ne dépasse pas 50 salariés, 

Lorsque la durée d’exploitation est effectivement limitée sans pouvoir être déterminée de manière fiable, la durée d’amortissement de 10 ans prévue en comptabilité est également admise sur le plan fiscal. 

S’agissant de l’incidence en matière d’indemnité d’éviction, certains bailleurs espéraient bénéficier des niveaux d’activité en baisse en période de Covid pour dévaloriser la valeur des fonds.  

Nous observons finalement que les transactions de fonds sont réalisées sur la base des performances des années anté-covid et, dorénavant, sur le millésime 2022. 

Cette position est d’ailleurs adoptée par les tribunaux dans diverses décisions qui excluent les années impactées par le Covid dans la détermination de la valeur du fonds de commerce (Tribunal Judiciaire de Paris – 10 janvier 2022 – RG19/03792, Tribunal Judiciaire de Paris – 23 novembre 2021 – RG17/05904). 

Si le Covid se révèle sans impact sur les coûts d’éviction des locataires, il n’est pas improbable que les conditions de financement influencent à la baisse la valeur des fonds dans les mois à venir, auquel cas l’indemnisation des évictions pourrait suivre le même ajustement. 

Les crèches, une classe d’actifs qui joue dans la cour des grands

 Lettre M2 – Les crèches, une classe d’actifs qui joue dans la cour des grands par Benjamin ROBINE et Martin LAMPAERT à retrouver dans le Carré d’Experts d’Avril.

« Le développement du nombre de crèches questionne le renouvellement des baux et incite à la réflexion sur l’appréciation des valeurs locatives et l’évaluation des indemnités d’éviction.  »

À retrouver dans l’article :
➡ L’estimation de la valeur locative d’une crèche selon la typologie d’actif
➡ Les volumes d’activité générés par les crèches privées
➡ Les cas de non-renouvellement

Merci à Audrey Jourdin !

 

Frais de réinstallation : l’incidence de la clause d’accession

La participation du bailleur aux frais de réinstallation du locataire évincé peut constituer l’un des postes les plus importants financièrement.

Benjamin Robine et Jean-Philippe Monnet avaient rédigé un article à propos des frais de réinstallation, de leur degré de prise en charge, de leur interprétation et des courants jurisprudentiels (cf : AJDI, Octobre 2017 : Frais de réinstallation : Rappel des principes et modalités d’application).

Un nouvel arrêt de rejet n°825 rendu par la troisième chambre civile de la cour de Cassation en date du 13 septembre 2018 vient apporter une nouvelle ligne directrice aux experts immobiliers, chargés d’apprécier le niveau de participation du bailleur aux frais de réinstallation.

Cet arrêt précise qu’ « une clause d’accession (des travaux, embellissements, améliorations, etc) stipulée au profit du bailleur sans indemnité, ne fait pas obstacle au droit du preneur évincé d’être indemnisé des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d’aménagements et équipements similaires à celui qu’il a été contraint de quitter ».

Certaines décisions citées dans notre précédent article d’octobre 2017 seraient donc aujourd’hui rendues différemment. 

Toutefois, cet arrêt ne précise pas si la clause d’accession en fin de bail sans indemnité peut constituer un motif d’atténuation de la participation du bailleur. 

L’expert devra donc apprécier, au-delà de la seule clause d’accession, la nature des travaux, leur degré d’amortissement, s’ils relèvent de la mise en conformité, et plus largement leur caractère spécifique à l’activité exploitée.

Liens :

AJDI, Octobre 2017 : Frais de réinstallation : Rappel des principes et modalités d’application

Arrêt n° 825 du 13 septembre 2018 (16-26.049) – Cour de cassation – Troisième chambre civile

 

Crédit photo : kange_one – Fotolia

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 3/3

Éléments de méthode

Alors que le caractère monovalent des résidences étudiantes semble le plus souvent écarté par la jurisprudence, l’art. L. 145-14 du Code de Commerce prévoit que l’indemnité d’éviction soit « déterminée suivant les usages de la profession ». Par analogie directe, la jurisprudence récente retient les usages en matière d’hôtellerie comme usage de la profession en matière de résidence étudiante (Cass. 3ème civ. 5 février 2014 JurisData 2014-001649 ; CA PARIS 3 juin 2015 SCI LOUBEN /SARL LES CLES DE LA RIVE DROITE Lexbase A9821NIL).

C’est donc la méthode par le multiple du chiffre d’affaires et celle par l’EBE qui devront s’appliquer comme le confirme une jurisprudence récente (Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 2 Mai 2018 – n° 16/16703).

Néanmoins, une décision antérieure avait précisé l’impossibilité de déterminer l’indemnité principale en fonction d’une moyenne des deux méthodes mentionnées précédemment (CA Paris, pôle 05 ch. 03, 3 juin 2015, n° 13/10167).

La marge des exploitants peut excéder 20% voire 30% du chiffre d’affaires, la profitabilité du fonds émanant notamment du différentiel de loyer à travers les baux conclus avec les propriétaires. Dans un marché immobilier résidentiel porteur dans les grandes métropoles, la poursuite des évictions est vraisemblable, conjuguée à l’extinction prochaine des dispositifs fiscaux.

Il s’agit là d’une matière nouvelle promise à de nombreux développements dans les années à venir.

Lire nos articles précédents :

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 1/3 : Principes indemnitaires et nature de l’activité

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 2/3 : Nature du préjudice

Liens :

Article L145-14 du Code de commerce 

 

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