Transfert ou perte du fonds de commerce, les critères d’appréciation

En cas d’éviction, deux situations peuvent se produire, à savoir :

1. L’éviction peut entraîner la perte du fonds, c’est-à-dire la perte de clientèle. Il s’agira d’une indemnité de remplacement.

2. L’éviction peut ne pas entraîner la perte du fonds, la clientèle suivant l’activité indifféremment de son lieu d’exploitation. Il s’agira alors d’une indemnité de transfert.

 Nous proposons une liste non exhaustive et nécessairement variable en fonction de l’emplacement, de l’activité ainsi que de la nature des locaux exploités. Un argument pris isolément ne justifie que très rarement l’une ou l’autre des deux hypothèses, la singularité de chaque dossier se doit donc d’être étudiée.

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 3/3

Éléments de méthode

Alors que le caractère monovalent des résidences étudiantes semble le plus souvent écarté par la jurisprudence, l’art. L. 145-14 du Code de Commerce prévoit que l’indemnité d’éviction soit « déterminée suivant les usages de la profession ». Par analogie directe, la jurisprudence récente retient les usages en matière d’hôtellerie comme usage de la profession en matière de résidence étudiante (Cass. 3ème civ. 5 février 2014 JurisData 2014-001649 ; CA PARIS 3 juin 2015 SCI LOUBEN /SARL LES CLES DE LA RIVE DROITE Lexbase A9821NIL).

C’est donc la méthode par le multiple du chiffre d’affaires et celle par l’EBE qui devront s’appliquer comme le confirme une jurisprudence récente (Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 2 Mai 2018 – n° 16/16703).

Néanmoins, une décision antérieure avait précisé l’impossibilité de déterminer l’indemnité principale en fonction d’une moyenne des deux méthodes mentionnées précédemment (CA Paris, pôle 05 ch. 03, 3 juin 2015, n° 13/10167).

La marge des exploitants peut excéder 20% voire 30% du chiffre d’affaires, la profitabilité du fonds émanant notamment du différentiel de loyer à travers les baux conclus avec les propriétaires. Dans un marché immobilier résidentiel porteur dans les grandes métropoles, la poursuite des évictions est vraisemblable, conjuguée à l’extinction prochaine des dispositifs fiscaux.

Il s’agit là d’une matière nouvelle promise à de nombreux développements dans les années à venir.

Lire nos articles précédents :

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 1/3 : Principes indemnitaires et nature de l’activité

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 2/3 : Nature du préjudice

Liens :

Article L145-14 du Code de commerce 

 

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 2/3

Nature du préjudice

En matière de résidence étudiante, le fonds de commerce de la société exploitante constitue une unité économique d’exploitation et les différents lots ne sont pas des fonds autonomes mais des éléments faisant partie intégrante du fonds de commerce (CA PARIS 13 janvier 2010 JurisData 2010-380776 ; CA PARIS 10 octobre 2012 Lexbase A1098IU9, TGI PARIS 30 avril 2014 Lexbase A1054MST ; TGI PARIS 16 octobre 2014 Lexbase A4508M4Q).

Au terme de l’éviction, le preneur perdra une partie de sa clientèle et verra son chiffre d’affaires diminué dans des proportions n’étant a priori pas de nature à entraîner la destruction du fonds de commerce. Il s’agit ici d’un cas particulier de « perte partielle du fonds de commerce ».

En sus des contraintes de gestion que supporte tout bailleur (facturation, suivi de la location…), la Société exploitante se doit de proposer trois des quatre prestations visées au b du 4° de l’article 261 D du C.G.I pour conserver sa qualification de résidence para-hôtelière étudiante (et le régime fiscal qui en découle).

La perte d’un logement dans une résidence étudiante dégrade les conditions d’amortissement des charges fixes et par conséquent rapproche celle-ci de son seuil de rentabilité plus rapidement que la perte d’un logement ne le fait dans un immeuble d’habitation classique.

Les charges se composent de coûts variables dépendants du niveau d’activité et de coûts fixes. Les charges variables et le chiffre d’affaires diminueront avec l’éviction, tandis que les coûts fixes demeureront par nature inchangés. Ils seront répartis sur les lots restant exploitables. Pour conserver la même rentabilité, l’exploitant devrait par conséquent augmenter le chiffre d’affaires, et donc la redevance, des lots exploitables. Cette approche se heurte aux contraintes du marché et à la capacité contributive des occupants.  L’éviction se traduira à notre sens par une baisse de la rentabilité affectant l’ensemble de la résidence.

Retrouvez la suite de cet article  : Résidences étudiantes et éviction 3/3 : Éléments de méthode

Lire notre article précédent : Résidences étudiantes et éviction 1/3 : Principes indemnitaires et nature de l’activité

 

 

Liens :

b du 4° de l’article 261 D du C.G.I

Résidences étudiantes et éviction PARTIE 1/3

Principes indemnitaires et nature de l’activité

La protection du fonds de commerce a été instaurée par un décret de 1953 qui a prévu dans son art. 8 repris dans le Code de commerce sous l’art. L. 145-14 qu’en cas de non-renouvellement du bail, le propriétaire, sauf motif grave et légitime à l’encontre des locataires, est tenu de payer une indemnité d’éviction. Lorsque le non-renouvellement du bail entraîne la perte du fonds de commerce, l’indemnité d’éviction est composée d’une indemnité principale dite de remplacement.

« Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre » (article L.145-14 al.2 du Code de commerce).

Lorsque le fonds peut être transféré, l’indemnité d’éviction est alors composée d’une indemnité principale de transfert. La présomption légale est la perte du fonds de commerce et l’exception, son transfert.

Il est donc nécessaire en premier lieu de caractériser le préjudice subi par le locataire évincé pour pouvoir ensuite apprécier si l’indemnité principale sera de remplacement ou de déplacement.

S’agissant des résidences étudiantes, l’exploitant exerce une activité de sous-location meublée accompagnée de différents services ou prestations (accueil, gardiennage, nettoyage des locaux privatifs et communs, fourniture de linge de maison). Il s’agit d’un fonds de commerce à caractère para-hôtelier.

Le fonds de commerce correspond usuellement à l’exploitation de l’intégralité de l’immeuble constitué de plusieurs appartements et de parties communes dédiées aux prestations annexes. À chaque appartement, est attaché un client qui sera l’étudiant auquel la Société exploitante met à disposition le local avec la fourniture de prestations para-hôtelières.

L’activité des résidences étudiantes s’inscrivait dans le cadre du dispositif CENSI-BOUVARD (né d’un amendement à la loi SCELLIER) qui se combinait avec le dispositif de Loueur en Meublé Non Professionnel (ou LMNP BOUVARD). Une grande majorité des propriétaires d’appartement en résidence étudiante ont ainsi réalisé un investissement défiscalisant.

Les premiers baux arrivant en fin de dispositif, de nombreux propriétaires ont le souhait de retrouver la jouissance de leurs biens, essentiellement à des fins locatives. Nous assistons ainsi au début d’une longue série de congés avec refus de renouvellement en matière de résidences étudiantes. Le préjudice subi du fait de l’éviction de quelques lots isolés correspond à une perte de chiffre d’affaires et à l’impossibilité pour le preneur d’exploiter son activité dans les lots visés ainsi qu’à la perte des clients attachés.

 

Lire la suite de cet article : Résidences étudiantes et éviction 2/3 : la nature du préjudice.

Lire aussi : Résidences étudiantes et éviction 3/3 : Éléments de méthode

 

 

Liens :

Article L145-14 du Code de commerce 

 

 

Mécanique de l’indemnité d’éviction

En matière d’indemnité d’éviction, il convient de distinguer l’indemnité principale en fonction de l’espèce, à savoir la perte ou le transfert de l’activité.

Le principe est la perte (Art. L145-14 du C.Commerce) et le transfert l’exception dont le bailleur a la charge de la preuve. La perte donne lieu à une indemnité de remplacement ayant vocation à compenser la perte du fonds de commerce.
L’indemnité principale pour perte est calculée sur la base de la valeur du fonds de commerce. L’indemnité principale pour transfert est calculée sur la base de la valeur du droit au bail.

Dans l’hypothèse du transfert et dans le cas d’une indemnité de transfert supérieure à celle pour perte, il convient de revenir à l’indemnité pour perte. En aucun cas l’indemnité pour transfert ne peut excéder celle de la perte puisque cela reviendrait à remettre en cause le caractère transférable de l’activité considérée.

En effet, l’indemnité pour transfert repose sur la possibilité offerte au bailleur par l’article L.145-14 du C.commerce de prouver que le préjudice du preneur est moindre que la perte du fonds de commerce.

Le schéma ci-dessus illustre les différents cas de figure pouvant être rencontrés.

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