La révision matérielle (L145-38 du code de commerce) : un outil de gestion du loyer en cours de bail ?

Le mécanisme de la révision matérielle (L145-38) prévu par le Code de commerce se trouve mis en avant depuis la crise de la covid 19. Ses utilisations sont diverses, certaines sont classiques et d’autres plus originales pour ne pas dire contrintuitives !

L’article L145-38 du Code de commerce traite de la révision du loyer en cours de bail.

Lorsqu’il est démontré une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, et ce au moins trois ans après la date d’effet du bail ou de la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer, le loyer en cours de bail peut être fixé à la valeur locative.

La mise en lumière de ce mécanisme peu usité car restrictif s’est opérée lors de la crise de la covid 19, certains y ayant décelé une opportunité d’ajuster leur niveau de loyer.

La révision du loyer fonctionne tant à la hausse qu’à la baisse (nonobstant le lissage de 10% en cas de hausse).

Les cas courants :

  • De nombreux preneurs ont sollicité une révision matérielle au motif de la crise de la covid 19. L’action en révision visait à démontrer que la crise de la covid 19 (conjuguée à d’autres arguments) est – ou était – matérielle et qu’elle avait entrainé par elle-même une variation d’au moins 10% de la valeur locative.

 

  • Certains bailleurs cherchent à démontrer l’existence d’une révision matérielle notamment par l’ouverture de certaines gares du Grand Paris et ainsi procéder à une hausse du loyer en cours de bail.

Les cas plus singuliers :

L’article L145-38 du Code de commerce ne lie pas le caractère favorable ou défavorable de la modification matérielle à l’objectif poursuivi en termes de fixation de loyer. Ainsi :

  • Un bailleur peut être tenté par le mécanisme de la révision matérielle au motif de la crise de la covid 19 (soit une dégradation de la commercialité) et demander la fixation du loyer à la valeur locative. Cette situation peut être envisagée dans le contexte de loyers plafonnés nettement inférieurs à la valeur locative. Cet exemple déboucherait sur une situation contrintuitive où le preneur contesterait la modification matérielle et/ou le défaut de variation d’au moins 10% de la valeur locative.

 

  • À l’inverse, un preneur peut plaider l’existence d’une révision matérielle positive ayant entrainé par elle-même une variation d’au moins 10% de la valeur locative (implantation d’un centre commercial à proximité, installation d’une gare…) et ainsi bénéficier d’un loyer fixé à la valeur locative. Cette situation est notamment envisageable à l’occasion de prises à bail trop élevées, supérieures au marché.

Ces cas de figure relèvent de la pratique et correspondent tant à des stratégies de revalorisation immobilière que de préservation de fonds de commerce, les unes et les autres ayant leur légitimité.

Le travail de l’expert demeure lui cantonné à l’analyse des critères légaux cumulatifs du mécanisme de l’article L145-38 du Code de commerce, peu importe le sens de variation du loyer.

 

Lire aussi : Article L145-38 du Code de commerce en hôtellerie : la preuve de la variation d’au moins 10%

Évolution de l’ICC et déclenchement de l’art. L145-39 du Code de Commerce

Publié par l’Insee, l’indice d’indexation des loyers commerciaux est en hausse de +7,98% sur 1 an !

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Évolution de l’Ilat et déclenchement de l’art. L145-39 du Code de Commerce

Publié par l’Insee, l’indice d’indexation des loyers commerciaux est en hausse de +6,51% sur 1 an !

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Évolution de l’ILC et déclenchement de l’art. L145-39 du Code de Commerce

Publié par l’Insee, l’indice d’indexation des loyers commerciaux est en hausse de +6,60% sur 1 an !

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Mécanique de l’indemnité d’éviction

En matière d’indemnité d’éviction, il convient de distinguer l’indemnité principale en fonction de l’espèce, à savoir la perte ou le transfert de l’activité.

Le principe est la perte (Art. L145-14 du C.Commerce) et le transfert l’exception dont le bailleur a la charge de la preuve. La perte donne lieu à une indemnité de remplacement ayant vocation à compenser la perte du fonds de commerce.
L’indemnité principale pour perte est calculée sur la base de la valeur du fonds de commerce. L’indemnité principale pour transfert est calculée sur la base de la valeur du droit au bail.

Dans l’hypothèse du transfert et dans le cas d’une indemnité de transfert supérieure à celle pour perte, il convient de revenir à l’indemnité pour perte. En aucun cas l’indemnité pour transfert ne peut excéder celle de la perte puisque cela reviendrait à remettre en cause le caractère transférable de l’activité considérée.

En effet, l’indemnité pour transfert repose sur la possibilité offerte au bailleur par l’article L.145-14 du C.commerce de prouver que le préjudice du preneur est moindre que la perte du fonds de commerce.

Le schéma ci-dessus illustre les différents cas de figure pouvant être rencontrés.

Breaking QPC – Le lissage du déplafonnement des baux commerciaux jugé conforme à la Constitution

Par suite d’un arrêt de la 3e Chambre civile de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 février 2020 d’une question prioritaire de constitutionnalité (N°2020-837 QPC) par la société A.D-Trezel, au motif que le mécanisme du lissage du loyer renouvelé porterait atteinte au droit de propriété du bailleur.

Lors du renouvellement d’un bail commercial, l’article L145-33 du Code de commerce dispose que « le montant du loyer doit correspondre à la valeur locative des locaux ».

Pour les baux dont la durée n’excède pas 9 ans, le législateur prévoit le plafonnement du loyer aux indices. Toutefois, cette règle n’est pas absolue si l’évolution notable de certains facteurs a entraîné une évolution de la valeur locative ne reflétant pas la variation indiciaire. Le plafonnement ne s’applique pas et le loyer peut être revalorisé par les parties.

L’article L.145-34 du Code de Commerce et la rédaction de son dernier alinéa résultant de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises disposent qu’en « cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».Étant précisé que ce dispositif n’est pas d’ordre public et que les parties ont la liberté contractuelle d’y déroger via une clause express.

L’esprit de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 était de protéger le « petit » commerce. Au demeurant, la valeur locative de renouvellement déplafonnée n’étant pas toujours atteinte au cours du bail renouvelé, la principale critique est d’avancer que ce mécanisme peut constituer une limitation aux conditions d’exercice du droit de propriété à savoir le droit de recevoir un loyer correspondant à la valeur locative des locaux donnés à bail.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins jugé ce dispositif conforme à la Constitution aux motifs que le dernier alinéa de l’article L145-34 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété et plus précisément que :

  • Le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.
  • Le bailleur peut bénéficier, chaque année, d’une augmentation de 10 % du loyer de l’année précédente jusqu’à ce qu’il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative.
  • Ce dispositif n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent y déroger, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement.
  • En outre, s’agissant des baux conclus avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et renouvelés après cette date, l’application de ce dispositif ne résulte pas des dispositions contestées, mais de leurs conditions d’entrée en vigueur déterminées à l’article 21 de la loi du 18 juin 2014.

 

Pour aller plus loin :

Dossier complet de la décision

Décision du Conseil constitutionnel du 7 mai 2020 

Audience du 21 avril 2020 de la QPC n°2020-837

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