JURIS’Post-it n°12 , relevé de la jurisprudence !

Critères de déplafonnement du loyer en révision triennale

La Cour d’appel rappelle les critères que doit revêtir la modification des facteurs locaux de commercialité pour ouvrir droit au déplafonnement du loyer en révision triennale du bail commercial – article L.145-38.

Décision

La Cour d’appel indique que cette modification des facteurs locaux de commercialité doit :

  • Être matérielle, c’est-à-dire présenter un intérêt concret pour le commerce sous étude,
  • Avoir un lien de cause à effet direct vis-à-vis de la variation de plus de10% de la valeur locative,
  • Être sur venue ET avoir produit effet entre la date de dernière fixation du loyer et celle de la demande en révision.

CA AIX-EN-PROVENCE, 15 DÉCEMBRE 2022, N°20/00572

Rappel clair des conditions du déplafonnement en révision triennale de l’article L.145-38 du Code de commerce.

 

Champ de compétences du juge des loyers commerciaux/de la Cour d’Appel

Le Juge des loyers commerciaux ou de la Cour d’appel n’a pas compétence pour se prononcer sur le lissage de la hausse du loyer déplafonné, dispositif distinct de celui de la fixation du loyer renouvelé.

Contexte

Les bailleurs d’un local commercial ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé. À titre subsidiaire, le preneur a demandé au juge la fixation du loyer renouvelé à un certain montant ET de confirmer l’application du lissage Pinel dans le cadre du déplafonnement (augmentation de 10% du loyer de l’année N-1/par an jusqu’à atteindre la valeur locative).

Décision

Au visa de l’article R.145-23 mais surtout de l’article L.145-34 du Code de commerce (dernier alinéa), la Cour dit implicitement que le lissage du déplafonnement du loyer n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent donc librement l’aménager et le Juge des loyers commerciaux/la Cour d’appel ne peuvent « statuer sur son application ».

CASS. CIVILE 3ÈME, 25 JANVIER 2023, N°21-21.943

Le mode de règlement d’un éventuel litige lié au lissage du déplafonnement a tout intérêt à être anticipé par les parties dès la conclusion du bail.

Fixer le loyer à la valeur locative en cours de bail : c’est maintenant possible !

→ Par suite de l’évolution indiciaire soutenue depuis plusieurs trimestres, certains baux à effet en 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 sont devenus ou devraient être exigibles à l’article L145-39 du Code de commerce (en fonction du trimestre de référence).

→ Article L145-39 du code de commerce : « … si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart (25%) par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. »

→ Pour rappel, la révision du loyer permet l’application de la valeur locative de renouvellement (L145-33 du Code de commerce) à la date d’effet de la notification.

→ Malgré la présence d’un encadrement de l’augmentation contraignant pour les bailleurs, le mécanisme pourrait trouver des adeptes dans les deux camps !

↓ N’hésitez pas à consulter le tableau ci-joint pour constater les trimestres concernés, pour certains T3 c’est parti

 

Fixation du loyer à la valeur locative

La révision matérielle (L145-38 du code de commerce) : un outil de gestion du loyer en cours de bail ?

Le mécanisme de la révision matérielle (L145-38) prévu par le Code de commerce se trouve mis en avant depuis la crise de la covid 19. Ses utilisations sont diverses, certaines sont classiques et d’autres plus originales pour ne pas dire contrintuitives !

L’article L145-38 du Code de commerce traite de la révision du loyer en cours de bail.

Lorsqu’il est démontré une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, et ce au moins trois ans après la date d’effet du bail ou de la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer, le loyer en cours de bail peut être fixé à la valeur locative.

La mise en lumière de ce mécanisme peu usité car restrictif s’est opérée lors de la crise de la covid 19, certains y ayant décelé une opportunité d’ajuster leur niveau de loyer.

La révision du loyer fonctionne tant à la hausse qu’à la baisse (nonobstant le lissage de 10% en cas de hausse).

Les cas courants :

  • De nombreux preneurs ont sollicité une révision matérielle au motif de la crise de la covid 19. L’action en révision visait à démontrer que la crise de la covid 19 (conjuguée à d’autres arguments) est – ou était – matérielle et qu’elle avait entrainé par elle-même une variation d’au moins 10% de la valeur locative.

 

  • Certains bailleurs cherchent à démontrer l’existence d’une révision matérielle notamment par l’ouverture de certaines gares du Grand Paris et ainsi procéder à une hausse du loyer en cours de bail.

Les cas plus singuliers :

L’article L145-38 du Code de commerce ne lie pas le caractère favorable ou défavorable de la modification matérielle à l’objectif poursuivi en termes de fixation de loyer. Ainsi :

  • Un bailleur peut être tenté par le mécanisme de la révision matérielle au motif de la crise de la covid 19 (soit une dégradation de la commercialité) et demander la fixation du loyer à la valeur locative. Cette situation peut être envisagée dans le contexte de loyers plafonnés nettement inférieurs à la valeur locative. Cet exemple déboucherait sur une situation contrintuitive où le preneur contesterait la modification matérielle et/ou le défaut de variation d’au moins 10% de la valeur locative.

 

  • À l’inverse, un preneur peut plaider l’existence d’une révision matérielle positive ayant entrainé par elle-même une variation d’au moins 10% de la valeur locative (implantation d’un centre commercial à proximité, installation d’une gare…) et ainsi bénéficier d’un loyer fixé à la valeur locative. Cette situation est notamment envisageable à l’occasion de prises à bail trop élevées, supérieures au marché.

Ces cas de figure relèvent de la pratique et correspondent tant à des stratégies de revalorisation immobilière que de préservation de fonds de commerce, les unes et les autres ayant leur légitimité.

Le travail de l’expert demeure lui cantonné à l’analyse des critères légaux cumulatifs du mécanisme de l’article L145-38 du Code de commerce, peu importe le sens de variation du loyer.

 

Lire aussi : Article L145-38 du Code de commerce en hôtellerie : la preuve de la variation d’au moins 10%

JURIS’Post-it n°5, relevé de la jurisprudence !

Deux jurisprudences sur la clause de révision de loyer et l’expropriation et frais de réinstallation.

CLAUSE DE RÉVISION DE LOYER

Une clause de bail commercial stipulant une révision forfaitaire du loyer à la hausse de 4,5% par an assortie d’une clause qualifiée de palier et non d’indexation.

Contexte

Un bail commercial stipulait que « le loyer sera révisé à la hausse, forfaitairement, de 4,5% le premier janvier de chaque année ». Le preneur estimait cette disposition contraire à l’ordre public et devait donc être réputée non-écrite.

Décision

La Cour de cassation qualifie cette clause de palier et non d’indexation ; en conséquence de quoi cette dernière est valable. Il s’agit d’une « augmentation forfaitaire annuelle du loyer, sans référence à un indice économique » et « indépendamment des prescriptions liées à la révision ou l’indexation ».

Cass. Civile 3eme, 22 juin 2022, n° 21-16.042

Seules sont prohibées les clauses visant à s’affranchir de l’applicabilité de l’indice d’indexation choisi (ILC, ICC, ILAT) en fonction du sens d’évolution de celui-ci.

 

EXPROPRIATION ET FRAIS DE RÉINSTALLATION

En expropriation, l’indemnité couvrant les frais de réinstallation du preneur doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Contexte

Dans un contexte d’expropriation, l’expropriant contestait l’absence d’application d’un abattement pour vétusté sur l’indemnité accessoire de frais de réinstallation accordée au preneur. Or, en l’espèce, la réinstallation du preneur nécessitait l’installation d’éléments neufs (racks notamment).

Décision

L’article L.321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dispose que « les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ». L’indemnisation des frais de réinstallation du preneur exproprié ne doit en l’espèce pas subir d’abattement pour vétusté si les éléments visés sont neufs.

Cass. Civile 3eme, 29 juin 2022, n°21-15.741

Arrêt d’espèce ; la solution aurait probablement différé en cas de réinstallation d’équipements préinstallés dans les locaux expropriés.

La révision du loyer à la valeur locative en mode L. 145-39 : il y a loin de la coupe aux lèvres

Les loyers, indexés sur l’Indice des loyers commerciaux (ILC), connaissent, après une décennie de relative atonie, une forte progression depuis 2020.

À titre illustratif, l’ILC a progressé de 6,6 % sur un an (base 2T 2023) et de 14,2 % sur trois ans (même base). Ces progressions sont particulièrement significatives et s’inscrivent dans un contexte d’inflation généralisée ; mais également de tassement – voire de baisse – des chiffres d’affaires du commerce de détail suivant certains segments.

Dans les baux commerciaux, l’indexation annuelle automatique des loyers constitue désormais le standard de marché, la révision triennale légale qui ne revêt pas de caractère automatique et implique une notification préalable, étant largement délaissée par les rédacteurs de baux.

La progression des loyers par l’effet de l’indexation annuelle connaît actuellement une telle vigueur que l’attention des praticiens est portée, trimestre après trimestre, sur l’évolution des indices et le seuil de variation du loyer de 25 % qui ouvre droit à une révision du loyer à la valeur locative.

Les principales conditions d’applicabilité de l’article L. 145-39 du Code de commerce sont les suivantes

1) Quel est le seuil de déclenchement ?

La révision du loyer à la valeur locative est ouverte lorsque, par l’effet de l’indexation annuelle, le loyer a varié de + ou – 25 % depuis sa dernière fixation contractuelle ou judiciaire. En pratique, il s’agira de la date de prise d’effet du bail ou d’un avenant ayant modifié le prix.

2) Sous quelle forme la révision peut-elle être demandée ?

La révision peut être demandée par lettre recommandée avec accusé de réception, l’exploit d’huissier n’étant pas obligatoire. Elle prend effet à compter de sa notification, sans préavis.

3) Qui peut la demander ?

Le bailleur, ou le preneur, peut demander la révision, dès lors que les conditions ci-dessus sont respectées et…qu’il y a intérêt (cf. infra).

4) Tous les baux commerciaux sont-ils concernés ?

Les baux commerciaux contenant un loyer fixe et une clause d’indexation annuelle peuvent recevoir l’application de la révision de l’article L.145-39 du Code de commerce. En revanche, les baux contenant une clause de loyer binaire avec minimum garanti et part variable ne peuvent faire l’objet d’une révision du loyer minimum garanti à la valeur locative.

5) Quelles sont les effets de la demande de révision ?

La demande de révision, lorsqu’elle est fondée, entraîne la révision du loyer à la valeur locative à effet immédiat, avec un effet dissymétrique pour le bailleur et le preneur. Lorsque la valeur locative est supérieure au loyer ayant varié de + 25 %, la fixation du loyer à la valeur locative sera soumise aux dispositions du «lissage du loyer», suivant lesquelles le rattrapage s’effectuera uniquement par paliers de 10 % l’an à partir du dernier loyer indexé, jusqu’à atteindre la valeur locative. La hausse sera bien immédiate, mais progressive. Lorsque la valeur locative est inférieure au loyer ayant varié de + 25 %, le loyer révisé sera fixé à la valeur locative, le dispositif du «lissage du loyer» ne s’appliquant pas à la baisse. La baisse, sera aussi immédiate, mais brutale.

À la différence de la révision procédant de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité prévue à l’article L.145-38 al. 2 du Code de commerce, le dispositif de l’article L.145-39 présente pour principaux intérêts l’absence d’interprétation de ses conditions d’application et la simplicité de sa mise en œuvre.

S’agissant de l’ILC, le législateur a cherché depuis 2022 à en limiter la progression :

  • en modifiant en mars 2022 la composition de l’indice par l’exclusion de l’évolution du chiffre d’affaires du commerce de détail qui représentait 25 % du panier, motif pris de l’inclusion de la progression alors spectaculaire du e-commerce.
  • en limitant depuis août 2022 la progression annuelle à 3,5% pour les PME.

Ces différentes mesures, ayant successivement consisté à modifier le mercure et à plafonner la graduation du thermomètre, ont eu pour effet immédiat de limiter la hausse des loyers. Ils ont cependant pour effet secondaire de retarder l’atteinte du seuil de 25 %, notamment pour les PME, dont les loyers indexés ne subissent pas la pleine progression de l’indice ILC.

Concrètement, les baux éligibles à la révision du loyer suivant l’article L.145-39 du Code de commerce sont, en novembre 2023, ceux dont la dernière fixation contractuelle ou judiciaire remonte au second trimestre 2011. La portée actuelle du dispositif s’avère à ce jour très limitée, les baux d’une durée initiale de 9 ans ayant déjà pu faire l’objet de demandes de renouvellement «à la baisse».

Le déclenchement de la révision par millésime est résumé ci-après à partir de l’indice du deuxième trimestre.

Pour que la fenêtre de tir s’ouvre significativement, l’indice devrait être fixé, en prolongation de la tendance annuelle passée, à 134 au 3T 2023, puis 136 au 4T 2023 (à paraître fin mars 2024). Les révisions éligibles porteraient sur les baux conclus en 2015, rendant le dispositif alors effectivement efficace. S’agissant toutefois de prospective, on paraphrasera utilement Pierre DAC qui rappelait avec sa malice coutumière qu’«une erreur peut devenir exacte, selon que celui qui l’a commise s’est trompé ou non».

📚 Publication dans l’Argus de l’Enseigne, N°65, Novembre 2023

Article L145-38 du code de commerce en hôtellerie : la preuve de la variation d’au moins 10%

Dans un contexte où la crise économique et sanitaire a durement mis à mal le secteur de l’hôtellerie dont les deux moteurs – le tourisme et les voyages d’affaires – sont à l’arrêt, le secteur hôtelier bénéficie d’un soutien important des pouvoirs publics pour leur masse salariale concentrant actuellement l’attention sur les loyers qui constituent désormais le premier poste de charges.

L’article L145-38 du code de commerce constitue un moyen, pour le preneur, de tenter une action en révision et ainsi de bénéficier d’une baisse de loyer a minima jusqu’à la prochaine révision ou jusqu’au terme du bail.

Rappel des critères cumulatifs à la mise en place de l’article L145-38 du C. commerce :

  • Modification matérielle (1),
  • Des facteurs locaux de commercialité (2),
  • Ayant entrainé par elle-même (3) […]
  • […] Une variation d’au moins 10% de la valeur locative (4),
  • Le tout au lien de causalité exclusif (5).

Alors que la preuve d’une variation d’au moins 10% semble difficilement justifiable pour les locaux non monovalents – celle-ci devant reposer sur « les prix couramment pratiqués dans le voisinage » (article L145-33 du CC) justifiant d’une telle variation – le raisonnement pourrait être autre en matière hôtelière.

Les établissements hôteliers soumis au régime de l’article R145-10 du code de commerce (locaux monovalents) doivent effectivement être estimés selon les usages de la branche d’activité considérée, soit à travers la méthode hôtelière actualisée.

Les récentes évolutions doctrinales de la méthode hôtelière (intégration d’un lissage de la valeur locative ou encore intégration des résultats de l’année 2020 dans la détermination du PMC, TO et RevPar) peuvent engager – à notre sens – des variations de la valeur locative supérieure à 10% sans que celle-ci ne repose sur des transactions locatives.

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