Déplafonnements de loyers pour évolution des facteurs locaux de commercialité – 10 ans de jugements à Paris !

Quotidiennement, nous récoltons et analysons les jugements rendus en matière de baux commerciaux. Cette carte permet d’observer les secteurs où ont été jugés des déplafonnements pour évolution favorable des facteurs locaux de commercialité.

Période d’étude : Janvier 2010 à Janvier 2022
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

L’évolution des facteurs locaux doit répondre à deux critères :
1) Elle doit être notable
2) et présenter un intérêt pour l’activité exercée

Les terrasses : nouveau point de rencontre des bailleurs et preneurs

Ouvertes, fermées, vitrées, ensoleillées, ombragées, les terrasses ont toujours suscité des débats entre les parties au bail commercial ; certains revendiquant une majoration des valeurs locatives lorsque d’autres insistent sur la redevance déjà payée à la collectivité publique.

En ce début d’année 2022, le cadre administratif et juridique entretient ces débats et alimente de nouvelles interrogations autour des valeurs locatives.

Du côté preneur, la fin du chauffage en terrasse prévue pour avril 2022 entrainera vraisemblablement des évolutions dans leur fréquentation, reste maintenant à savoir quel sera le choix de la clientèle entre le plaid et la consommation en intérieur. En tout état de cause, une baisse de la fréquentation des terrasses notamment sur la période hivernale diminuerait leur intérêt.

L’appréciation de l’expert sur l’intérêt d’une terrasse ouverte devra être adaptée en fonction des nouvelles habitudes de consommation et mise en perspective avec le type d’autorisation.

Du côté bailleur, l’instauration des terrasses éphémères alimente les velléités de déplafonnement des loyers.

La Cour de Cassation s’est récemment prononcée dans un arrêt du 13 octobre 2021 en considérant que l’installation ou l’extension d’une terrasse sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative ne constitue pas une modification des caractéristiques des lieux loués, permettant au bailleur de déplafonner le loyer. Toutefois, dans ce même arrêt, la Cour a également considéré que cette situation pourrait constituer une modification des facteurs locaux de commercialité permettant un déplafonnement.

Nous observons qu’une telle démonstration reposerait sur une situation pérenne de terrasses… éphémères, le tout caractérisant une amélioration notable de la commercialité.

On peut imaginer l’instauration d’un nombre significatif de terrasses dans une rue en particulier, augmentant le flux de manière suffisamment notable pour que celui-ci devienne pérenne sur l’ensemble de l’année.

In fine, nous rappelons que les terrasses demeurent des autorisations personnelles sur le domaine public et que l’incidence sur la valeur locative doit être analysée en fonction de l’intérêt pour l’activité exercée et du lien direct avec les locaux pris à bail. Les redevances, autrefois modiques, sont dorénavant réévaluées par les municipalités. L’interdiction des chauffages en terrasses ouvertes devrait avoir une incidence négative sur leur fréquentation, les terrasses éphémères ne constituant pour le moment qu’un simple élément de compensation.

 

Lire aussi : Dumur Jean-Pierre. La terrasse qui déplafonne… ou un plancher qui permettrait de crever le plafond ! [En ligne] Lexbase.fr, 03.11.2021.

 

 

 

Mots-clefs : terrasse, déplafonnement, plafonnement, loyer, bail commercial, facteurs locaux de commercialité, terrasse éphémère, modification des caractéristiques des locaux,

La révision légale du loyer : l’inflexibilité de la jurisprudence

Dans un arrêt de rejet n°956, en date du 25 octobre 2018, la troisième chambre civile de la cour de cassation énonce que ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, au sens de l’article L. 145-38 du code de commerce, la modification en faveur d’entreprises concurrentes, intervenue entre la date de la fixation du loyer et celle de la demande de révision, de conventions auxquelles le bailleur et le locataire sont tiers.

Les article L.145-37 à L.145-39 du code de commerce confèrent aux parties d’un bail commercial la possibilité de solliciter la révision du loyer à la valeur locative, à compter de la période triennale. D’ordre public et emportant dérogation au principe de l’intangibilité des contrats (art.1193 du code civil), il convient de satisfaire des critères cumulatifs restrictifs et une jurisprudence stricte. Procédure rare et délicate à faire prospérer, il s’agit essentiellement de rapporter la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

Courant 2006, la société Rémy Loisirs s’est vue conférer par les différents propriétaires, des baux commerciaux portant sur l’intégralité des lots constituant la résidence Central Park, édifiée dans une station de ski.

La locataire a notifié un mémoire en révision des loyers (L145-38 du code de commerce) à chacun des propriétaires des lots en invoquant une modification matérielle de la commercialité en raison de la modification de l’offre concurrentielle de la station, de sa fréquentation, de son enneigement, du taux de TVA payé par les clients. Elle a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur locative de la totalité de la résidence.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, (11e chambre a, 30 mai 2017, n° 16/06516) a retenu que le fait que quatre autres résidences de tourisme de la station aient renégocié les loyers versés aux propriétaires investisseurs était une décision de gestion, propre aux résidences concernées qui n’était pas opposable aux preneurs pour apprécier la commercialité de la résidence.

Ne constitue donc pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, au sens de l’article L.145-38 du code de commerce, la modification en faveur d’entreprises concurrentes, intervenue entre la date de la fixation du loyer et celle de la demande de révision, de conventions auxquelles le bailleur et le locataire sont tiers.

 

Crédit photo : © Résidence de tourisme Central Park Foux d’Allos – Vacancéole

 

Article L145-38 du code de commerce en hôtellerie : la preuve de la variation d’au moins 10%

Dans un contexte où la crise économique et sanitaire a durement mis à mal le secteur de l’hôtellerie dont les deux moteurs – le tourisme et les voyages d’affaires – sont à l’arrêt, le secteur hôtelier bénéficie d’un soutien important des pouvoirs publics pour leur masse salariale concentrant actuellement l’attention sur les loyers qui constituent désormais le premier poste de charges.

L’article L145-38 du code de commerce constitue un moyen, pour le preneur, de tenter une action en révision et ainsi de bénéficier d’une baisse de loyer a minima jusqu’à la prochaine révision ou jusqu’au terme du bail.

Rappel des critères cumulatifs à la mise en place de l’article L145-38 du C. commerce :

  • Modification matérielle (1),
  • Des facteurs locaux de commercialité (2),
  • Ayant entrainé par elle-même (3) […]
  • […] Une variation d’au moins 10% de la valeur locative (4),
  • Le tout au lien de causalité exclusif (5).

Alors que la preuve d’une variation d’au moins 10% semble difficilement justifiable pour les locaux non monovalents – celle-ci devant reposer sur « les prix couramment pratiqués dans le voisinage » (article L145-33 du CC) justifiant d’une telle variation – le raisonnement pourrait être autre en matière hôtelière.

Les établissements hôteliers soumis au régime de l’article R145-10 du code de commerce (locaux monovalents) doivent effectivement être estimés selon les usages de la branche d’activité considérée, soit à travers la méthode hôtelière actualisée.

Les récentes évolutions doctrinales de la méthode hôtelière (intégration d’un lissage de la valeur locative ou encore intégration des résultats de l’année 2020 dans la détermination du PMC, TO et RevPar) peuvent engager – à notre sens – des variations de la valeur locative supérieure à 10% sans que celle-ci ne repose sur des transactions locatives.

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