Déplafonnements de loyers pour évolution des facteurs locaux de commercialité – 10 ans de jugements à Paris !

Quotidiennement, nous récoltons et analysons les jugements rendus en matière de baux commerciaux. Cette carte permet d’observer les secteurs où ont été jugés des déplafonnements pour évolution favorable des facteurs locaux de commercialité.

Période d’étude : Janvier 2010 à Janvier 2022
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

L’évolution des facteurs locaux doit répondre à deux critères :
1) Elle doit être notable
2) et présenter un intérêt pour l’activité exercée

Quels motifs de déplafonnement des loyers jugés à Paris depuis 10 ans ?

 Selon près de 500 jugements rendus à Paris depuis 2010, il est frappant d’observer que plus d’un tiers des décisions concernent des déplafonnements visant une durée effective du bail supérieure à 12 ans.

S’il s’agit parfois d’une stratégie permettant la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative (bailleur), ces graphiques peuvent également illustrer l’absence de suivi de la durée contractuelle par les parties et notamment par celle qui pouvait avoir un intérêt à se voir appliquer le mécanisme de plafonnement du loyer de l’article L145-34 du Code de Commerce ainsi que le lissage (preneur).

La pole position des motifs :


1) Durée effective supérieure à 12 ans
2) Valeur locative inférieure au loyer plafonné
3) Facteurs locaux de commercialité
4) Usage exclusif de bureaux
5) Caractéristiques des locaux
6) Indexation supérieure à 25% (art.L145-39 du C.com)
7) Destination contractuelle au cours du bail
8) Durée contractuelle supérieure à 9 ans
9) Déplafonnement contractuel
10) Activité assimilée à une activité de bureaux
11) Monovalence des locaux
12) Obligations respectives des parties

🗓 Période d’étude : janvier 2010 à janvier 2022
⚖ Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

 

Fixation judiciaire du loyer, recap’ des étapes

A défaut d’accord entre les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé, le preneur ou le bailleur peut saisir le juge des loyers commerciaux. Cette procédure, pouvant s’avérer longue, est fixée par les articles R.145-24 à R.145-33 du code de commerce.

 

Dans un délai de 2 ans à compter de la date d’effet du congé ou de la demande de renouvellement, un mémoire préalable doit être notifié. Cette notification, impérative et indispensable, a pour effet d’interrompre le délai de prescription biennale. Elle est le départ de la procédure judiciaire. En son absence, le juge des loyers commerciaux n’est pas valablement saisi.

Après un délai minimum d’un mois, suivant la notification du premier mémoire préalable établi, le juge peut être saisi.

S’en suit, de nombreuses étapes jusqu’à la fixation judiciaire du loyer.

 

Mots clés : fixation judiciaire du loyer, mémoire préalable, prescription biennale, juge des loyers commerciaux, étapes, procédure judiciaire

Lorsque l’expertise privée a valeur d’expertise judiciaire

Résumé : Entré en vigueur le 1er novembre 2021, le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021 – article 4 a modifié l’article 1554 du code de procédure civile, afférent à la procédure participative. Dorénavant, l’expertise dite privée et contradictoire a valeur de rapport d’expertise judiciaire.

Dans le cadre d’une procédure participative aux fins de mise en état (PPMEE), le rapport déposé par le technicien choisi d’un commun accord par les parties a dorénavant valeur de rapport judiciaire, lorsque précédemment, il « pouvait être produit en justice » (voir la rédaction antérieure de l’ancien article 1554 du CPC).

Il s’agit d’une procédure de négociation entre les parties, conduites par leurs avocats pour œuvrer ensemble et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige. Les avocats devraient se saisir de l’opportunité que constitue ces PPMEE tout en permettant de désengorger les tribunaux et accélérer les opérations d’expertise, dans le respect du contradictoire.

Le lecteur est renvoyé à l’excellent article de maîtres Hervé REGNAULT et Emmanuel JULIEN intitulé « L’expertise sans le juge à tous moments ».

 

Nota : ces modifications entrent en vigueur au 1er novembre 2021 et sont applicables aux instances en cours à cette date (Décr. n° 2021-1322, 11 oct. 2021, art. 8, I).

Imbroglio sur le bail commercial portant sur un bien privé d’une personne publique

Le temps du bail commercial sur les biens privés d’une personne publique est-il compté ?

Maître Paul-Maxence MURGUE-VAROCLIER, Docteur en droit public vient nous éclairer dans la revue JCP / LA SEMAINE JURIDIQUE – EDITIONS ADMINISTRATIONS ET COLLECTIVITES TERRITORIALES N°42 du 14 octobre 2021, « Avis de tempête pour les baux commerciaux conclu sur le domaine privé ».

Il semble en effet que par suite d’une décision du TJ du Mans, en date du 19 août 2021, n°20/00813, l’application du statut des baux commerciaux ne soit pas compatible avec la directive dite « Services » 2006/123/CE et son article 12-2 qui fixe l’impossibilité de prévoir un renouvellement automatique et d’octroyer tout autre avantage en faveur de celui pour qui l’autorisation vient d’expirer.

Le jugement, inédit, écarte sur ce fondement de l’article 12-2 le droit au renouvellement et au versement d’une indemnité d’éviction à des commerçants installés sur le domaine privé de l’Etat.

Les conséquences de ce jugement inédit peuvent être redoutables et une lecture attentive de l’article est conseillée.

En attendant la suite de l’instance et l’avis de la doctrine avisée des spécialistes du bail commercial, prudence et réserves sont de rigueur sur les expertises visant l’estimation de la valeur locative en renouvellement ou l’indemnité d’éviction de conventions portant sur le domaine privé d’une personne publique.

Quand retour à la valeur locative rime avec baisse des loyers

Retrouvez l’article de Benjamin ROBINE dans le numéro d’avril de l’Argus de l’Enseigne 

 Jusqu’ici, le débat portait sur le déplafonnement à la hausse. Les basses eaux de la conjoncture ouvrent la porte à une situation désormais plus récurrente : le renouvellement judiciaire à la baisse. On est toujours à la valeur locative, bien entendu, mais dans l’autre sens. C’est le monde à l’envers, sauf pour les bailleurs avisés…qui ont prévu une clause « cliquet ». 

 

👉 État de l’évolution du contexte de marché 

👉 3 décisions judiciaires récentes reflétant le retour aux fondamentaux sur des artères commerçantes  

 👉 Observations et notion de clause « cliquet » ayant vocation à prévoir la fixation du loyer à la valeur locative de marché lors du renouvellement, assortie d’un plancher faisant référence au dernier loyer annuel quittancé 

 

Extrait :  

3 décisions récentes représentant le retour aux fondamentaux rendues par des juridictions parisiennes : 

 

L’on peut tirer 4 observations principales de ces décisions :

1- Le loyer d’origine peut être supérieur à la valeur locative (Starbucks). En effet, le Code de commerce ne réglemente pas le loyer à l’entrée qui se forme strictement par le jeu du marché et l’autonomie de la volonté. Le loyer est fixé pour la durée contractuelle du bail, les fenêtres de révision du loyer à la valeur locative étant étroites et limitées aux dispositifs des articles L.145-38 al.2 et L.145-39 du Code de commerce.

2- L’évolution du loyer par le jeu des indices ne suit pas celle de la valeur locative (Lacoste, Tissot SA). L’indice ILC est en progression annuelle moyenne de 5,5% depuis deux années, rythme supérieur à la croissance du commerce de détail et ayant servi de justification au plafonnement à hauteur de 3,5% pour les PME.

3- La valeur locative peut s’avérer inférieure au loyer plafond (Starbucks, Lacoste), le plancher au loyer du bail renouvelé étant précisément la valeur locative.

4- La valeur locative lors du renouvellement peut s’avérer inférieure au loyer d’origine (Starbucks, Tissot SA).

 

L’article en intégralité est à retrouver dans le numéro d’Avril 2024 de l’Argus de L’enseigne

 

 

De l’opportunité statistique de saisir le juge de l’expropriation

En matière d’expropriation, l’indemnité principale doit correspondre à la valeur vénale du bien exproprié à la date de la décision de 1ère instance. L’indemnité principale permet à l’ancien propriétaire d’acquérir un bien équivalent à celui dont il a été dépossédé.

Dès lors, dans la mesure où l’expropriant doit proposer à l’exproprié une indemnisation correspondant à la valeur vénale du bien, qu’observe-t-on statistiquement lors des analyses des décisions judiciaires à Paris et Île-de-France ?

En préambule, il convient de rappeler que jusqu’à une époque récente, en matière d’expropriation, l’expertise était expressément prohibée en 1ère instance. Un arrêt du 24 avril 2006 de la Cour européenne des Droits de l’Homme a eu pour conséquence de contraindre l’État français à revoir un tel dispositif. L’article R 322-2 CECUP permet dorénavant au juge de désigner un expert pour l’éclairer, en vue de la détermination de la valeur d’immeubles et d’éléments immobiliers non transférables notamment. L’expropriant peut également faire diligenter puis produire un rapport d’expertise au titre d’élément de preuve.

Nous avons procédé à l’analyse de plus de 130 décisions de 1ère instance et cour d’appel à Paris et Ile-de-France entre 2015/2018 afin d’apprécier statistiquement le niveau des offres proposées par l’expropriant, de la demande formulée par l’exproprié et enfin le montant de l’indemnité retenue par le juge.

Il ressort de cette analyse que :

  • Le juge alloue une indemnité correspondant en moyenne à 145% (1,45 fois) du montant de l’offre initialement proposée par l’expropriant. A contrario, le ratio décision / demande fait ressortir un ratio de 44%, soit une décote de 56% de cette dernière demande,
  • Le ratio décision / offre oscille suivant les jugements entre 100% et 342% du montant de la demande (entre env. 1 fois et 3,5 fois le montant de l’offre),

 

Grille de lecture: L’autorité expropriante a proposé une indemnisation moyenne de 750.000 € à l’exproprié. Ce dernier a formulé une demande moyenne de 2,45 millions d’euros (soit +325%). Le juge de l’expropriation a octroyé une indemnité moyenne de 1,08 millions d’euros, soit 1,45 fois (+145%) de l’offre proposée par l’expropriant à l’exproprié.

Nous observons également :

  • 11 décisions pour lesquelles le magistrat a attribué une indemnité correspondant exactement à l’offre de l’expropriant,
  • 119 décisions supérieures[1] à l’offre de l’expropriant, dont le 1er quartile est de 114% (1,14 fois l’offre), 2ème quartile : 134% ; 3ème quartile : 171% et 4ème quartile : 342%.

 

Nous n’avons pas relevé de fortes disparités territoriales suivant la domiciliation du tribunal (Paris, 1ère couronne et 2ème couronne). Il semblerait toutefois que les jugements rendus sur Paris soient plus favorables aux expropriés, dans la mesure ou l’indemnité moyenne allouée correspond à 1,48 fois l’offre, contre 1,44 en 1ère couronne et 1,41 en 2ème couronne.

En ce qui concerne la nature des biens expropriés, nous observons que les indemnités allouées sont plus importantes (par rapport à l’offre de l’expropriant) lorsqu’elles portent sur l’indemnisation de locaux à usage d’habitation et/ou mixtes (env. +150%) à contrario des terrains (+133%).

En conclusion, à la lumière de ces éléments statistiques, nous ne pouvons qu’encourager les personnes physiques et morales faisant l’objet d’une procédure d’expropriation à entamer des négociations amiables avec l’autorité expropriante. Agir en justice doit également être une voie à ne pas écarter. Le recours à un expert immobilier spécialisé, qui aura une bonne connaissance de la matière et des exigences de l’expropriation, et plus spécialement des contraintes liées au cadre légal et méthodologique de l’estimation en matière d’expropriation mérite d’être étudié. Le rapport d’expertise pourra par ailleurs être produit devant le juge de l’expropriation, en l’absence d’accord amiable comme élément de preuve au soutien des prétentions de l’exproprié.

Source : AJDI 2019 et 2020

 

[1] L’article R 311-22 CECUP dispose que le juge statue dans la limite des prétentions des parties. Dès lors, il ne peut octroyer une indemnité inférieure ou supérieure aux demandes des parties telles qu’elles résultent des mémoires des parties et conclusions du commissaire du gouvernement. Il est donc fait interdiction au juge de statuer ultra petita.  

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