Bail commercial : le jeu des clauses

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L’analyse d’un bail commercial ne tolère pas l’approximation.

Si lors des négociations le loyer est roi, l’anticipation est reine et la prudence est de mise.

Pour éviter l’échec et mat, mieux vaut ne pas faire cavalier seul et être bien accompagné.

Le fou se passera des services de l’avocat spécialisé, se pensant à l’abri du haut de sa tour.

Le sage placera ses pions au fil des clauses en préparant le futur renouvellement.


Petite notice d’utilisation qui ne vous dispensera pas d’un avocat mais vous fera l’économie d’erreurs qui peuvent prendre un bail à rattraper :


Clause Objet de la clause Droit commun Rédactions rencontrées Observations et points de vigilance
Durée Fixe la durée du bail. 3, 6, 9 ans Durée étendue ou période de fermeté La durée peut constituer un motif de déplafonnement du loyer au renouvellement en cas de durée contractuelle supérieure à 9 ans ou de durée effective de plus de 12 ans. 
Désignation Fixe la consistance des locaux à la prise à bail Désignation succincte au motif que le preneur est supposé connaitre les locaux. Une description trop vague pourra entrainer des contentieux en cas de travaux du preneur. Une modification de l’assiette du bail par avenant pourra constituer un motif de déplafonnement du loyer au renouvellement du bail
Destination  Fixe les activités que le preneur peut exercer dans les locaux. Tous commerces, absence de clause. L’absence de clause présente un risque d’interprétation de l’intention des parties soit dans le sens d’une mono-activité, soit dans le sens d’un bail tous commerces. Une clause particulièrement limitative ou permissive pourra donner lieu à correctifs sur la valeur locative de renouvellement.
Loyer Fixe le montant du loyer Franchises et/ou paliers de loyer. Une mauvaise rédaction pourra avoir des conséquences sur les indexations, révision ou sur le loyer plafond. Une modification en cours de bail pourra constituer un motif de déplafonnement du loyer au renouvellement du bail.
Révision et indexation Fixe l’évolution du loyer en cours de bail. Révision triennale (ILC ou ILAT selon la nature de l’activité) Indexation annuelle automatique suivant l’ICC, l’ILC ou l’ILAT (clause d’échelle mobile). Si la révision triennale est d’ordre public, l’indexation est nécessairement contractuelle et ne se substitue pas à la révision triennale. Une mauvaise rédaction peut avoir pour conséquence de voir ladite clause réputée non écrite partiellement ou intégralement avec pour conséquence potentielle le retour au loyer d’origine ou au dernier loyer révisé avec remboursement des sommes indûment perçues.
Cession Fixe les possibilité de cession du bail et du fonds de commerce Cession autorisée. Interdiction ou autorisation avec conditions et notamment le fait pour le preneur de rester garant solidaire du cessionnaire. Un droit de préférence du bailleur peut également être prévu. Changement de locataire non anticipée par le bailleur. Pourra donner lieu à majoration de la valeur locative de renouvellement. La cession du bail seul peut être interdite mais  la cession du fonds de commerce ne peut pas être interdite.
Sous-location Fixe les possibilités de sous location du preneur Interdite. Libre ou sous conditions (% de surfaces, activités, liens capitalistiques avec le preneur, location gérance, domiciliation…) Lorsque la sous location est permise, il est important pour le bailleur d’insérer une clause d’indivisibilité afin de se prémunir de toute réclamation éventuelle de la part des sous locataires. Pourra donner lieu à majoration de la valeur locative de renouvellement.
Accession Fixe le sort de travaux du preneur en matière de propriété. Accession en fin de bail moyennant indemnité de la part du bailleur. Accession en fin de bail ou en fin de jouissance sans indemnité. Les travaux ayant pour effet de modifier ou d’améliorer les caractéristiques des locaux peuvent constituer un motif de déplafonnement lors du premier ou second renouvellement selon le cas. En cas d’accession du bailleur, attention aux effets de bord avec la clause concernant les travaux réglementaires et la clause de nivellement. Pourra donner lieu à abattement sur la valeur locative de renouvellement.
Nivellement Fixe le sort des travaux du preneur Le bailleur peut  exiger la remise en état primitif des locaux. Remise en état primitif ou accession sans indemnité au profit du bailleur. Clause faisant souvent l’objet d’une rédaction mêlant la clause d’accession. Dans ce cas, une mauvaise rédaction de la clause pourra entrainer une accession des travaux ne jouant qu’en fin de jouissance même s’il était prévu une accession en fin de bail.
Loyer de renouvellement Fixe le sort du loyer au moment du renouvellement Valeur locative (avec ou sans lissage) ou loyer plafond Fixation à la valeur locative de marché, formules de calculs, valeur plancher et/ou plafond. Permet de déroger au plafonnement et au lissage du loyer de renouvellement, nécessite de bien définir les modalités de calcul.
Travaux réglementaires Détermine qui du preneur ou du bailleur aura la charge des travaux de mise en conformité du local. Le bailleur supporte les travaux de mise en conformité. Mise à la charge du preneur ou partage des travaux concernant différentes règlementations dont, ERP, incendie, hygiène, sécurité, police, droit du travail… En cas de dérogation au droit commun, la clause doit être explicite et limitative. Donnera lieu à abattement sur la valeur locative de renouvellement en l’absence de clause concernant le loyer de renouvellement.
Impôt foncier Détermine qui du preneur ou du bailleur en a la charge. A la charge du bailleur A la charge du preneur ou partage. En cas de dérogation au droit commun, la clause doit être explicite et limitative. Donnera lieu à abattement sur la valeur locative de renouvellement l’absence de clause concernant le loyer de renouvellement.
Art. 606 du C.Civ Détermine qui du preneur ou du bailleur en a la charge. A la charge du bailleur A la charge du preneur ou partage. Depuis la loi Pinel, il n’est plus possible de faire supporter au preneur cette charge.
Assurance immeuble Détermine qui du preneur ou du bailleur en a la charge. A la charge du bailleur A la charge du preneur ou partage. La clause doit être explicite et limitative. Donnera lieu à abattement sur la valeur locative de renouvellement en l’absence de clause concernant le loyer de renouvellement.
Gestion locative Détermine qui du preneur ou du bailleur en a la charge. A la charge du bailleur A la charge du preneur ou partage. Depuis la loi Pinel, il n’est plus possible de faire supporter au preneur cette charge.

Juris’ Post-it n°4

Deux jurisprudences sur le déplafonnement en accession fin de jouissance et la qualification de petite restauration.

DÉPLAFONNEMENT : ACCESSION EN FIN DE JOUISSANCE

En cas d’accession des travaux en fin de jouissance, le régime des améliorations doit prévaloir sur celui des modifications dans le cadre du déplafonnement.

Contexte

Bail commercial mettant au profit du bailleur l’accession en fin de jouissance des travaux réalisés par le preneur. Or, ce dernier a effectué durant le bail d’importants travaux ayant notamment agrandi la surface de vente de plus de 62 m2

Décision

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel et énonce que le déplafonnement pour accession des travaux en fin de jouissance doit être subordonné à la primauté du régime des améliorations sur celui des modifications significatives… Compte-tenu de cette primauté de qualification, le déplafonnement sur ce motif devra s’opérer en primauté lors du second renouvellement suivant la conclusion du bail initial.

Cass. Civile 3ème, 7 septembre 2022, n°21-16.613

Compte-tenu de l’ampleur des travaux visés par l’arrêt, l’hypothèse d’un déplafonnement au premier renouvellement du bail semble désormais très hypothétique.

 

QUALIFICATION : ACTIVITÉ DE PETITE RESTAURATION

L’activité de petite restauration désigne le service de plats réchauffés, ou la cuisson et le service d’aliments bruts.

Contexte

Un bail commercial conclu en 1998 autorisait les activités de bar, petite restauration, P.M.U., tabac, jeux. Par la suite, le bailleur a fait délivrer au preneur une sommation visant la clause résolutoire du bail de cesser toute activité de restauration et de préparation cuisinée sur place.

Décision

La Cour d’appel considère que l’activité du preneur entre dans le champ contractuel de la petite restauration, celle-ci se caractérisant par le service de plats réchauffés / la cuisson et le service d’aliments bruts. Par ailleurs, la destination de petite restauration n’exclut pas que ce service soit développé et devienne une activité prépondérante.

Cour d’appel de Paris, 6 juillet 2022, n°20/12266

Cette distinction distingue clairement la petite restauration de la restauration classique, laquelle consiste en l’élaboration et la transformation de produits sur place.

Frais de réinstallation : l’incidence de la clause d’accession

La participation du bailleur aux frais de réinstallation du locataire évincé peut constituer l’un des postes les plus importants financièrement.

Benjamin Robine et Jean-Philippe Monnet avaient rédigé un article à propos des frais de réinstallation, de leur degré de prise en charge, de leur interprétation et des courants jurisprudentiels (cf : AJDI, Octobre 2017 : Frais de réinstallation : Rappel des principes et modalités d’application).

Un nouvel arrêt de rejet n°825 rendu par la troisième chambre civile de la cour de Cassation en date du 13 septembre 2018 vient apporter une nouvelle ligne directrice aux experts immobiliers, chargés d’apprécier le niveau de participation du bailleur aux frais de réinstallation.

Cet arrêt précise qu’ « une clause d’accession (des travaux, embellissements, améliorations, etc) stipulée au profit du bailleur sans indemnité, ne fait pas obstacle au droit du preneur évincé d’être indemnisé des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d’aménagements et équipements similaires à celui qu’il a été contraint de quitter ».

Certaines décisions citées dans notre précédent article d’octobre 2017 seraient donc aujourd’hui rendues différemment. 

Toutefois, cet arrêt ne précise pas si la clause d’accession en fin de bail sans indemnité peut constituer un motif d’atténuation de la participation du bailleur. 

L’expert devra donc apprécier, au-delà de la seule clause d’accession, la nature des travaux, leur degré d’amortissement, s’ils relèvent de la mise en conformité, et plus largement leur caractère spécifique à l’activité exploitée.

Liens :

AJDI, Octobre 2017 : Frais de réinstallation : Rappel des principes et modalités d’application

Arrêt n° 825 du 13 septembre 2018 (16-26.049) – Cour de cassation – Troisième chambre civile

 

Crédit photo : kange_one – Fotolia

Valeur locative d’hôtel : abattement pour clause d’accession en fin jouissance

L’incidence de l’accession en fin de jouissance sur la valeur locative donne lieu à de nombreux échanges entre les professionnels de l’immobilier, certains optant pour une majoration et d’autres pour un abattement. Cette question mérite également d’être étudiée en matière hôtelière.

Pour rappel, la valeur locative des établissements hôteliers, considérés comme monovalents, doit être fixée suivant les usages observés dans la branche d’activité considérée. Faire abstraction des travaux d’amélioration au sens large au motif que le dispositif spécifique des articles L311-1s du code de Tourisme est conforme au principe « Generalia specialibus… » n’apparaît pas pleinement satisfaisant. 

Il est exact que le jeu combiné des articles L145-36 et R.145-10 du Code de commerce ne renvoie pas à l’article R.145-8 du Code de commerce. Pour autant, la volonté contractuelle univoque d’insérer une clause d’accession en fin de jouissance mériterait – dans une acception économique et non juridique – application en matière d’évaluation.  

Dans l’hypothèse d’une clause d’accession en fin de jouissance, la valeur locative en renouvellement serait à apprécier suivant la consistance des locaux à la date de prise d’effet du bail initial. Cette appréciation pose question notamment dans un marché de l’hôtellerie parisienne où les établissements, pour faire face à la demande et aidés en cela par un nouveau classement hôtelier, sont nettement montés en gamme, les segments 3*** et 4**** étant dorénavant nettement majoritaires.  

Compte tenu de la difficulté de considérer la consistance initiale des lieux, l’abattement pour accession en fin de jouissance vise précisément à restituer l’équilibre économique du contrat de bail. Il aurait également pour mérite de combler les lacunes du dispositif du Code du Tourisme, datant du 1er juillet 1964 et de nature limitatif. Sa lecture à l’heure des impératifs écologiques et de l’hyper-connectivité attendue des clients est d’un charme désuet, mais d’une cruelle rigueur juridique pour celui qui porte l’investissement. 

Une décision récente du Tribunal Judiciaire de Paris (jugement rendu le 23 janvier 2020 / RG17/10268) tend vers cette approche en ce qu’elle retient un principe d’abattement, mais au titre d’une clause d’accession en fin de bail et prévoyant également une remise en état en fin de jouissance… 

La question sous-jacente de cette thématique relève finalement du statut d’ordre public de l’accession en fin de bail en matière hôtelière, qui s’opposerait alors à la liberté contractuelle des parties de prévoir une accession différée.  

Accession en fin de jouissance : une nouvelle opportunité pour le preneur ?

Le 17 septembre 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt important sur l’interprétation des clauses d’accession de baux commerciaux.

Cet arrêt n’est pas sans conséquences économiques et expertales.

L’arrêt du 17 septembre 2020 a ainsi eu à qualifier la clause obligeant le preneur à “ laisser, à la fin du bail, [l]es modifications ou améliorations [des locaux] au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif “.

Estimant que le renouvellement du bail étant “ incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif “, la Cour a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel interprétant cette clause comme étant d’accession en fin de jouissance. La Cour de cassation interprète ainsi explicitement la clause d’accession en miroir de la clause de nivellement.

Plusieurs enseignements peuvent en être tirés.

L’accession en fin de jouissance se traduit usuellement dans l’appréciation de la valeur locative en renouvellement par un abattement sur la valeur locative estimée afin d’assurer que les améliorations financées par le preneur ne bénéficient pas au bailleur dans la valeur locative.

Cela étant, certains praticiens considèrent que l’accession en fin de jouissance mérite a contrario une majoration de la valeur locative, le bailleur se trouvant privé d’un motif de déplafonnement issu des travaux réalisés qui, précisément, demeureront jusqu’en fin d’occupation propriété du preneur.

La pratique rédactionnelle des baux commerciaux semble distinguer ;

– Les baux à usage de commerce où l’accession en fin de bail conserve la préférence des rédacteurs d’acte.

– Les baux à usage de bureaux où la remise en état des locaux est un motif usuel de contentieux et où la convergence temporelle de l’accession et du nivellement est de nature à prévenir les différends.

Suivant la clé de lecture donnée par l’arrêt précité, les preneurs dont les améliorations sont reportées en fin de jouissance peuvent trouver une incitation à réaliser des travaux. Pensons aux commerces qui ayant subi des fermetures administratives prolongées, pourront sans être pénalisés, effectuer des travaux modificatifs des caractéristiques des locaux ou d’amélioration.

Or, la priorité donnée par les exploitants au financement des travaux accroît encore la tension actuelle liée à la supportabilité des loyers, dont l’exigibilité a été récemment rappelée.

L’arrêt de la Cour de cassation réaffirme ainsi l’importance de la clause d’accession dans le bail commercial, où celui qui pense semer une graine peut tout aussi bien allumer une mèche.

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